Histoires de chevaux

La création du cheval

Conte des Indiens Navajo

Quelque chose s’est déployé. Quelque chose qui bouge et devient vivant. Quelque chose qui geint. Femme-qui-change se met à chanter :

« Je suis Femme-qui-change…
Au centre de ma maison, devant le feu…
Assise sur un joyau, j’entends un bruit.
Dans un panier couleur de jais, dans une maison couleur de jais, il repose…
Sur l’herbe couverte de rosée, il repose…
Il grandit, sans blesser la maison où il repose,
Dans la maison, il repose… »

Son pied est un mirage. Son corps, un arc-en-ciel. Son mors, un rayon de soleil. Son cœur, une pierre rouge. Ses entrailles, des eaux de toutes sortes. Sa queue, une pluie noire. Sa crinière, un nuage de bruine. Son œil, une lumière. Sur son front brille une étoile. Sa jambe est immaculée. La nuit, il scintille car sur sa face pousse l’herbe couverte de rosée. Ses lèvres sont des perles. Ses dents, des coquillages. Sa voix résonne : une flûte noire. Son ventre bicolore gonfle : c’est l’aurore, noire d’un côté, blanche de l’autre.

Là est un panier couleur de nacre. Dans le panier, l’eau de la jument qui a pouliné. Là est un panier couleur de turquoise. Dans le panier, l’eau du poulain qui est venu au monde. Là sont un panier couleur d’ormeau et un panier couleur de jais, pleins d’œufs. Femme-qui-change égrène son poème et la jument goûte les œufs : deux poulains sont nés. L’un s’enfuit sans goûter à rien. Il va et il vient.

« Nous l’appellerons Longues-oreilles-de-mule », dit Femme-qui-change.

L’autre poulain goûte aux œufs du panier couleur d’ormeau et aux œufs du panier couleur de jais, c’est pourquoi son pelage est blanc et noir.

Marilyn Plénard, Histoires de chevaux © Flies France, 2009