La grenouille qui avait soif
conte australien


C’était il y a bien longtemps.
Si longtemps que l’arrière-arrière-grand-père de mon arrière-grand-père n’était pas encore né. La canicule et la sécheresse régnaient sur le pays. Plus un ruisseau, un étang ou une ri-vière ne donnait d’eau. Les hommes, les oiseaux, les animaux tombaient et mouraient. Les chasseurs avaient cessé de poursuivre le gibier. Quelques-uns, restés en vie, regardaient le soleil, dont l’ardeur flamboyait dans le ciel d’or fondu. Les nuages avaient disparu. La seule ombre qui planait était celle de la mort.
Les survivants se réunirent près de ce qui avait été le principal point d’eau de cette terre désolée. Ils se demandaient où avait bien pu disparaître tout le liquide qu’il y avait avant.
On découvrit bientôt que l’eau avait été bue par une grenouille d’une taille gigantesque. Hommes, oiseaux et animaux prirent rapidement une grande décision : ils allaient faire éclater de rire cette grenouille, comme ça, elle recracherait toute l’eau qu’elle avait bue. Mais ce fut en vain que l’oiseau moqueur riait aux éclats devant la grenouille, en vain que le kangourou sautait devant elle, en vain que la cigogne dansa sur un pied. La grenouille géante pinçait bien fort la bouche et refusait de rire.
Alors, un vermisseau grimpa sur le ventre nu de l’énorme batracien et se mit à le chatouiller avec le bout de sa queue. La grenouille se retint longtemps, longtemps, mais à la fin, n’y tenant plus, elle éclata de rire : toute l’eau tomba en cascade de sa bouche immense et aussitôt les rivières, les étangs, les ruisseaux et les lacs se remplirent à ras bord et la vie fut sauvée, et tout recommença comme avant.



Marilyn Plénard, Histoires des quatre saisons © Flies France, 2005