Le fantôme
reconnaissant
Un étudiant
de province quitta son village natal pour aller passer un examen à la
capitale. Long voyage. Il traversait une profonde montagne quand soudain
il entendit un éternuement provenant d’un fourré voisin. Ne voyant
personne, il descendit de cheval, pénétra dans les buissons, écouta.
Derechef, l’éternuement retentit. Il semblait provenir des racines d’un
lierre à ses pieds. L’étudiant ordonna à son valet de creuser un peu
voir à cet emplacement. Le valet creusa, trouva un crâne rempli de
terre. Les racines du lierre passaient à travers les trous des narines.
“ Voilà
la cause de l’éternuement ! ”, se dit-il. Le candidat peiné
pour le mort, lava son crâne dans de l’eau bien propre, l’enveloppa
dans du papier, le remit à sa place. Il lui sacrifia également des
aliments et dit une prière. La nuit, le fantôme lui apparut en rêve,
lui révélant le sujet de l’examen. Ce sujet était comme suit : des
groupes de cinq caractères, en couplets, avec la rime pong. Le thème imposé de la composition
était un poème sur “ Pics et cimes, nuages d’été ”. Le fantôme
poussa la courtoisie jusqu’à rédiger le poème :
Blanc soleil
a chevauché haut dans le ciel
Les nuages
dérivant forment une haute montagne
Le prêtre,
les voyant, demande :
– Est-ce un
temple ?
La grue se
plaint : elle ne voit plus les pins
Mais les
éclairs de chaleur : lueurs de la hache du bûcheron
Les coups
sourds du tonnerre : la cloche du temple.
Qui prétendra jamais que
les montagnes ne se meuvent pas ?
Sur les
brises du crépuscule, elles se sont fait les voiles.
Le candidat
se réveilla, mais n’oublia pas le poème soufflé par le fantôme. Il le
reproduisit tel quel sur sa copie d’examen. Il fut reçu premier. On lui
donna les honneurs.
Prêtez
l’oreille aux éternuements sans propriétaire apparent !